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ment de vertu, ne voulurent recevoir aucune chose qui eût le moindre air de reconnoissance : ils lui renvoyèrent donc un pareil nombre de prisonniers. Les présents furent refusés de l’un et de l’autre sexe, et on lui fit dire, pour toute réponse, qu’on n’entendroit jamais à la paix qu’il ne fût sorti d’Italie.

Parmi une infinité de choses vertueuses qui se pratiquèrent alors, on admire, entre autres, le grand désintéressement de Fabricius et de Curius, qui alloit à une pauvreté volontaire. Il y auroit de l’injustice à leur refuser une grande approbation. Il faut considérer, pourtant, que c’étoit une qualité générale de ce temps-là, plutôt qu’une vertu singulière de ces deux hommes. Et, en effet, puisqu’on punissoit les richesses, avec infamie, et que la pauvreté étoit récompensée, avec honneur, il me paroît qu’il y avoit de l’habileté à savoir bien être pauvre : par là, on s’élevoit aux premières charges de la république, où, exerçant une grande autorité, on avoit plus besoin de modération que de patience. Je ne saurois plaindre une pauvreté honorée de tout le monde ; elle ne manque jamais que des choses dont notre intérêt ou notre plaisir est de manquer. À dire vrai, ces sortes de privations sont délicieuses ; c’est donner une jouissance exquise, à son esprit, de ce que l’on dérobe à ses sens.