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cela, on pourra nous faire un reproche bien fondé, que les étrangers sont plus justes estimateurs du mérite de nos ouvrages que nous-mêmes. Nous verrons les bonnes choses, qui viennent de nous, conserver ailleurs leur réputation, quand elles n’en ont plus en France ; nous verrons ailleurs nos sottises rejetées par le bon sens, quand nous les élevons au ciel par un entêtement ridicule.

Il y a un vice opposé à celui-ci, qui n’est pas plus supportable ; c’est de nous attacher avec passion à ce qui s’est fait dans un autre temps que le nôtre, et d’avoir du dégoût pour tout ce qui se fait en celui où nous vivons. Horace a formé là-dessus le caractère de la vieillesse, et un vieillard à la vérité est merveilleusement dépeint,

Difficilis, querulus, laudator temporis acti.

Dans cet âge triste et malheureux, nous imputons aux objets les défauts qui viennent purement de notre chagrin ; et lorsqu’un doux souvenir détourne notre pensée de ce que nous sommes, sur ce que nous avons été, nous attribuons des agréments à beaucoup de choses qui n’en avoient point, parce qu’elles rappellent dans notre esprit l’idée de notre jeunesse, où tout nous plaisoit, par la disposition de nos sentiments.