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Quant à Scipion, il exerçoit toute sorte d’humanité et de courtoisie ; et quittant l’ancienne sévérité de la discipline, il commandoit avec douceur à des troupes qui obéissoient avec affection.

[1 Je sais bien qu’on attribue à sa facilité quelques séditions qui arrivèrent dans son camp : mais, si je l’ose dire, c’étoit un malheur quasi nécessaire en ce temps-là. Ce fut un nouvel esprit dans la république, qui fit préjudice au gouvernement : sans ce nouvel esprit néanmoins, toute la république étoit perdue, et Scipion seul se trouvoit capable de l’inspirer. Ce n’étoit pas assez de maintenir l’ordre parmi les citoyens, selon le génie de leurs anciens législateurs ; il falloit celui d’un héros avec des vertus moins sévères, pour animer contre Annibal des soldats tout abattus, et leur donner la confiance de pouvoir vaincre. Les affaires de Rome étoient tellement désespérées, qu’il falloit des qualités héroïques, et l’opinion des choses divines pour les sauver. Il est sur que] jamais général des Romains n’avoit eu tant de capacité ni si bien agi : jamais les légions n’avoient eu tant d’ardeur à bien faire : jamais la


1. Ce passage et celui qu’on trouvera un peu plus bas, renfermés entre deux crochets, sont tirés du manuscrit de M. de Saint-Évremond, qui étoit demeuré entre les mains de M. Waller. (Note de Des Maizeaux.)