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se présenta aux Romains avec toutes les qualités qui peuvent acquérir l’estime et la faveur des hommes. Il étoit de grande naissance, et l’on voyoit également en lui la bonté et la beauté d’un excellent naturel. Il avoit une grandeur de courage admirable : l’humeur douce et bienfaisante, l’esprit véhément en public, pour inspirer sa hardiesse et sa confiance ; poli et agréable dans les conversations particulières, pour le plaisir le plus délicat des amitiés ; l’âme haute, mais réglée : plus sensible à la gloire, qu’ambitieuse du pouvoir ; cherchant moins à se distinguer par la considération de l’autorité, ou par l’éclat de la fortune, que par la difficulté des entreprises, et par le mérite des actions. Ajoutez à tant de choses, que des succès heureux répondoient toujours à des desseins élevés ; et pour ne rien laisser à désirer, il avoit persuadé les peuples qu’il n’entreprenoit rien sans le conseil, et n’agissoit jamais sans l’assistance des dieux.

Il n’est pas étrange qu’un homme comme celui que je dépeins ait pu s’attirer des inclinations qu’on vouloit donner, et ait détaché les esprits d’une république pour qui on avoit déjà quelque dégoût. Ainsi les volontés d’une personne si vertueuse furent préférées à des lois qui n’avoient, peut-être, pas la même équité.