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manifeste par les succès de la conversation échappe, en dehors du salon, à l’appréciation du commun des hommes et de la postérité, puisqu’il n’en reste rien ni pour l’un ni pour l’autre (que reste-t-il du célèbre Tréville ?), cependant son œuvre survit à la conversation, car elle se traduit presque toujours en opinion générale.


CHAPITRE V.
Madame de Sablé. — Trois écrits de Saint-Évremond, en 1647.

La littérature du dix-septième siècle est marquée d’un caractère particulier : elle est à l’adressé des salons ; c’est là qu’elle a cherché, c’est là qu’elle trouve encore ses plus assurés succès. Sous une forme qui diffère de la parole, la pensée y respire encore le bon air des salons du dix-septième siècle. Elle n’a pas l’ambition de frapper la multitude ; on diroit que le suffrage d’un public choisi lui est plus cher que le suffrage de tout le monde : pour avoir celui-ci, peut-être faudroit-il trop abaisser le niveau. C’est pourquoi les principaux monuments de la littérature de ce temps sont de petits ouvrages, travaillés à la perfection, comme ceux des anciens, et dont un goût très-délicat peut seul apprécier toute la valeur. Il est telle pensée de Pascal qui, dans un cercle étroit, renferme une œuvre achevée. Ces ouvrages si parfaits étoient lus, approuvés, critiqués,