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différemment la même chose, selon qu’il peut l’avoir différemment pensée ou sentie.

Quel besoin y a-t-il de ce raisonnement général, pour montrer qu’il a pu être sensible à toutes sortes de voluptés ? Qu’on le considère dans son commerce avec les femmes, et on ne croira pas qu’il ait passé tant de temps avec Leontium, et avec Themisto5, à ne faire que philosopher. Mais, s’il a aimé la jouissance, en voluptueux, il s’est ménagé, en homme sage. Indulgent aux mouvements de la nature, contraire aux efforts : ne prenant pas toujours la chasteté pour une vertu, comptant toujours la luxure pour un vice ; il vouloit que la sobriété fût une économie de l’appétit, et que le repas qu’on faisoit ne pût jamais nuire à celui qu’on devoit faire : Sic præsentibus voluptatibus utaris, ut futuris non noceas. Il dégageoit les voluptés, de l’inquiétude qui les précède, et du dégoût qui les suit. Comme il tomba dans les infirmités, et dans les douleurs, il mit le souverain bien dans l’indolence : sagement, à mon avis, pour la condition où il se trouvoit ; car la cessation de la douleur est la félicité de ceux qui souffrent. Pour la tranquillité de l’esprit,


5. Presque toutes les éditions portent Temista ; c’est Themisto qu’il faut lire. Elle étoit de Lampsaque, et se rendit presque aussi célèbre, que l’athénienne Leontium, par son attachement pour Épicure, et par son esprit.