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le monde pour Dieu, on nous traite d’imbéciles ; et on nous pardonne aussi peu de sacrifier la fortune à la religion, que la religion à la fortune. L’exemple du cardinal de Retz3 suffira seul à justifier ce que je dis. Quand il s’est fait cardinal par des intrigues, des factions, des tumultes, on a crié contre un ambitieux, qui sacrifioit, disoit-on, le public, la conscience, la religion, à sa fortune. Quand il quitte les soins de la terre, pour ceux du ciel ; quand la persuasion d’une autre vie lui fait envisager les grandeurs de celle-ci, comme des chimères, on dit que la tête lui a tourné, et on lui fait une foiblesse honteuse de ce qui nous est proposé, dans le christianisme, pour la plus grande vertu.

L’esprit ordinaire est peu favorable aux grandes vertus : une sagesse élevée offense une commune raison. La mienne, toute commune qu’elle est, admire une personne véritablement persuadée, et s’étonneroit beaucoup encore, que cette personne, tout à fait persuadée, pût être sensible à aucun avantage de la fortune. Je doute un peu de la persuasion de ces prêcheurs, qui, nous offrant le royaume des cieux,


3. Jean-Francois-Paul de Gondi, cardinal de Retz, et archevêque de Paris, si connu, durant les troubles de la Fronde, sous le nom de Monsieur le coadjuteur. Il mourut en 1679. L’authenticité de ses Mémoires fut d’abord très-contestée. Voy. les Œuvres de Senecé, et la Bibliothèque historique de la France du P. Le Long, nº 9597.