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point failli, délivre-le ; s’il a failli, délivre-le pour l’amour de moi : de quelque façon que ce soit, délivre-le. Voyez, Madame, jusqu’où va la force de l’amitié. Un roi des Lacédémoniens, si homme de bien, si vertueux, si sévère ; un roi qui devoit des exemples de justice à son peuple, ne permet pas seulement, mais ordonne d’être injuste, où il s’agit de l’affaire de son ami.

Qu’un homme privé eût fait la même chose qu’Agésilas, cela ne surprendroit pas. Les particuliers ne trouvent que trop de contrainte dans la vie civile. Une des plus grandes douceurs qu’ils puissent goûter, c’est de revenir quelquefois à la nature, et de se laisser aller à leurs propres inclinations. Ils obéissent à regret à ceux qui commandent ; ils aiment à rendre service à ceux qui leur plaisent. Mais qu’un roi, occupé de sa grandeur, renonce aux adorations publiques, renonce à son autorité, à sa puissance, pour descendre en lui-même et y sentir les mouvements les plus naturels de l’homme ; c’est ce qu’on ne comprend pas faci-


fautes qu’elle ait commises en sa vie. Pour rendre les conseils qu’il lui donnoit plus persuasifs, Saint-Évremond voulut s’attacher l’esprit de la duchesse, par la lecture de ce petit traité de l’Amitié, qu’on peut comparer avec le charmant ouvrage de Madame de Lambert, sur le même sujet.