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DES BELLES-LETTRES ET DE LA JURISPRUDENCE.

Quand je suis privé du commerce des gens du monde, j’ai recours à celui des savants ; et, si j’en rencontre qui sachent les belles-lettres, je ne crois pas beaucoup perdre de passer de la délicatesse de notre temps à celle des autres siècles. Mais, rarement on trouve des personnes de bon goût : ce qui fait que la connoissance des belles-lettres devient, en plusieurs savants, une érudition fort ennuyeuse. Je n’ai point connu d’homme à qui l’antiquité soit si obligée qu’à M. Waller. Il lui prête sa belle imagination, aussi bien que son intelligence fine et délicate ; en sorte qu’il entre dans l’esprit des anciens, non-seulement pour bien entendre ce qu’ils ont pensé, mais pour embellir encore leurs pensées8.

J’ai vu, depuis quelques années, un grand nombre de critiques et peu de bon juges. Or,


8. Edmond Waller joignoit à une grande délicatesse d’esprit, soutenue de beaucoup d’érudition, un talent particulier pour la poésie. On l’estime surtout comme poëte lyrique. Il est le premier qui ait su donner de l’harmonie et de la douceur aux vers anglois : Saint-Évremond le regardoit comme le Malherbe d’Angleterre. Il étoit cousin de Cromwell et neveu de Hampden, ce qui ne l’empêcha pas de vivre beaucoup à la cour de Charles II. Il mourut en 1687, âgé de quatre-vingt-deux ans. C’étoit un habitué de la société Françoise de Londres.