nas, qui faisoit du bien aux gens de lettres, que par les gens de lettres mêmes. Il est certain, néanmoins, que les esprits commençoient alors à s’affoiblir, aussi bien que les courages. La grandeur d’âme se tournoit en circonspection à se conduire ; et le bon discours, en politesse de conversation : encore ne sais-je, à considérer ce qui nous reste de Mécénas, s’il n’avoit pas quelque chose de mou, qu’on faisoit passer pour délicat. Mécénas étoit le grand favori d’Auguste, l’homme qui plaisoit, et à qui les gens polis et spirituels tâchoient de plaire. N’y a-t-il pas apparence que son goût régloit celui des autres ; qu’on affectoit de se donner son tour, et de prendre autant qu’on pouvoit son caractère ?
Auguste lui-même ne nous laisse pas une grande opinion de sa latinité. Ce que nous voyons de Térence, ce qu’on disoit à Rome de la politesse de Scipion et de Lélius, ce que nous avons de César, ce que nous avons de Cicéron ; la plainte que fait ce dernier, sur la perte de ce qu’il appelle sales, lepores, venustas, urbanitas, amœnitas, festivitas, jucunditas : tout cela me fait croire, après y avoir mieux pensé, qu’il faut chercher en d’autres temps que celui d’Auguste, le bon et agréable esprit des Romains, aussi bien que les grâces pures et naturelles de leur langue.