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eux-mêmes une seconde. Sans la résistance, ils n’auroient que le mal qu’on leur fait : par elle, ils ont encore celui qu’ils se font. C’est ce qui m’oblige à remettre tout à la nature, dans les maux présents : je garde ma sagesse, pour le temps où je n’ai rien à endurer. Alors, par des réflexions sur mon indolence, je me fais un plaisir du tourment que je n’ai pas, et trouve le secret de rendre heureux l’état le plus ordinaire de la vie.

L’expérience se forme avec l’âge, et la sagesse est communément le fruit de l’expérience ; mais, qu’on attribue cette vertu aux vieilles gens, ce n’est pas à dire qu’ils la possèdent toujours. Ce qui est certain, c’est qu’ils ont toujours la liberté d’être sages, et de pouvoir s’exempter, avec bienséance, de toutes les gênes que l’opinion a su introduire dans le monde. C’est à eux, seulement, qu’il est permis de prendre les choses, pour ce qu’elles sont. La raison a presque tout fait, dans les premières institutions : la fantaisie a presque tout gagné sur elle, dans la suite. Or, la vieillesse seule a le droit de rappeler ce que l’une a perdu, et de se dégager de ce qu’a gagné l’autre.

Pour moi, je tiens scrupuleusement aux véritables devoirs. Je rebute ou admets les imaginaires, selon qu’ils me choquent, ou qu’ils me plaisent ; car, en ce que je ne dois pas, je me