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La grande habileté consiste à bien connoître ces deux sortes de gens. Tant qu’on est engagé dans le monde, il faut s’assujettir à ses maximes, parce qu’il n’y a rien de plus inutile que la sagesse de ces gens qui s’érigent d’eux-mêmes en réformateurs. C’est un personnage qu’on ne peut soutenir longtemps, sans offenser ses amis et se rendre ridicule.

Cependant, la plupart de ces réformateurs ont leurs vues, leurs intérêts, leurs cabales. On a beau les décrier : tout ce qu’on en dit à la cour et sur les théâtres, ne les rebute point. Écoutez leurs remontrances, vous les aurez bientôt pour maîtres : ne les écoutez pas, vous les aurez pour ennemis. Tant que la fortune leur a été favorable, ils ont joui de ses faveurs. Sont-ils tombés dans quelque disgrâce, ils cherchent à s’en relever, et à se faire valoir par une réputation d’intégrité. À quoi bon haïr en autrui la fortune, qu’ils ne négligent pas pour eux-mêmes ? Leur aversion s’attache à ceux qui prétendent des grâces, leur envie à ceux qui les obtiennent, leur animosité aux personnes qui les distribuent. Pour avoir leur estime ou leur amitié, il faut être mort, ou pour le moins misérable.

Je sais qu’un honnête homme est à plaindre dans le malheur, et qu’un fat est à mépriser, quelque fortune qu’il ait : mais haïr les favoris