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méritée, la punition la plus juste, les irritent également. Cependant, si vous les écoutez, ils ne vous parleront que de constance, que de générosité, que d’honneur. Dans tout ce qu’ils vous diront, il y aura toujours un air lugubre qui vous attriste, au lieu de vous consoler. Ils rencontrent une certaine volupté dans les plaintes, qui fait qu’on ne leur est jamais obligé d’en être plaint.

En quelque lieu qu’on aille, on trouve le monde composé de deux sortes de gens : les uns pensent à leurs affaires, les autres songent à leurs plaisirs.

Les premiers fuient l’abord des misérables : craignant de devenir malheureux par contagion. Pour entrer dans leur commerce, il faut cacher son malheur, et tâcher de leur être bon à quelque chose.

Les autres, pour se donner tout entiers à leur divertissement, ont je ne sais quoi de plus humain : ils sont accessibles par plus d’endroits. Leurs maîtresses, leurs confidents, profitent des folies qui les occupent. Leur âme est plus ouverte ; mais leur conduite est plus incertaine. La passion l’emporte toujours sur l’amitié : ils regardent les devoirs de la vie comme des gênes. Ainsi, pour vivre avec eux, il faut suivre le cours de leurs plaisirs, leur confier peu de chose, et en tirer ce qu’on peut.