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lente l’instinct naturel, et qui nous transporte hors de nous-mêmes.

Croyez-moi, Monsieur, une âme qui est bien tranquillement dans son assiette, n’en sort guère par la lecture de Platon.

Il n’appartient qu’à Dieu de faire des martyrs, et de nous obliger, sur sa parole, à quitter la vie dont nous jouissons, pour en trouver une que nous ne connoissons point. Vouloir se persuader l’immortalité de l’âme, par la raison, c’est entrer en défiance de la parole que Dieu nous a donnée, et renoncer, en quelque façon, à la seule chose par qui nous pouvons en être assurés3.

Qu’a fait Descartes, par sa démonstration prétendue d’une substance purement spirituelle, d’une substance qui doit penser éternellement ? Qu’a-t-il fait par des spéculations si épurées ? Il a fait croire que la religion ne le persuadoit pas, sans pouvoir persuader ni lui, ni les autres, par ses raisons.

Lisez, Monsieur, pensez, méditez : vous trouverez au bout de votre lecture, de vos pensées, de vos méditations, que c’est à la reli-


3. Voy. l’analyse que donne Bayle de la controverse ouverte, entre Locke et Stillingfleet, sur cette question, dans les Nouvelles de la répub. des lettres, octobre et novembre 1699 (Œuvres diverses de Bayle, La Haye, 1727, 4 vol. in-fol.).