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droit d’en juger ? Ce que nous appelons un crime du cœur, est bien souvent un défaut de la nature. Dieu n’a pas voulu que nous fussions assez parfaits pour être toujours aimables ; pourquoi voulons-nous être toujours aimés ?…

Nous prenions sans doute plus de soin, au commencement, de cacher nos imperfections : nos complaisances tenoient lieu d’un plus grand mérite. Nous avions les grâces de la nouveauté : ces grâces ressemblent à une certaine fleur que la rosée répand sur les fruits : il est peu de mains assez adroites pour les cueillir sans la gâter.

Il faut donc avouer que les honnêtes gens même trouvent, dans les plus fortes liaisons, des intervalles d’assoupissement et de langueur, dont ils ne connoissent pas toujours la cause. Cette langueur, quand elle n’est pas soutenue, passe enfin jusqu’à la mort de l’amitié, si l’honneur ne vient à son secours.

C’est l’honneur qui s’efforce quelquefois de cacher les défauts du cœur, qui joue le personnage de la tendresse, qui sauve les apparences, pour quelque temps, jusqu’à ce que l’inclination se réveille et qu’elle reprenne sa première vigueur.

Je n’entends pas cet honneur formaliste et façonnier, qui nous est à charge, par des règles et par des mines ridicules ; qui ôte tout aux