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et de l’avoir accomplie ; mais le merveilleux développement de la société françoise au dix-septième siècle, entraînoit la nécessité du perfectionnement de la langue, laquelle est restée la plus vive image du caractère françois.

Toutefois, dans l’œuvre même de la réforme, que d’entraves et d’obstacles il a fallu surmonter ! Pellisson ne nous a laissé que le récit sommaire de ces difficultés ; tous les écrits du temps en sont remplis ; et dans ce débat mémorable, solennellement ouvert devant le tribunal de l’opinion, le bon sens et le bon goût furent souvent en péril. Il y avoit, parmi les lettrés, des ennemis de tout changement, à qui suffisoit la langue d’Amyot, de Montaigne et de Charron, et qui vouloient en rester là. Pour d’autres, de moins bon goût, la langue de Ronsard demeuroit, en plein dix-septième siècle, un objet de vénération ; et, parmi ceux même qui reconnoissoient la nécessité de corriger la langue, une divergence profonde se manifestoit. L’esprit d’érudition étoit en présence de l’esprit indépendant1. L’esprit d’érudition, qui vouloit mouler la langue françoise sur les langues classiques, en les accommodant aux tendances modernes, avoit un représentant obstiné, très-autorisé, dans La Mothe le Vayer, homme considérable alors, oublié aujourd’hui. Ses ouvrages, et surtout ses Dialogues d’Orasius Tubero, sont le monument le plus curieux de la résistance d’un parti puissant, dans l’affaire de la réforme de la langue. L’esprit indépendant avoit Balzac en tête :


1. Voy. le remarquable ouvrage de M. Étienne : Essai sur La Mothe le Vayer. Rennes, 1849, in-8º.