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vaste. Ni Vaugelas ni Bouhours ont-ils jamais eu plus de sollicitude pour la précision du langage, ni rien écrit d’aussi délié, que ce petit chef-d’œuvre de critique grammaticale ? Son opinion sur le genre faux de l’Oraison funèbre ne l’empêchera point d’admirer Bossuet. Mais l’immolation de Corneille à Racine lui arrache des cris. Le premier, parmi les François, il signale à son pays, et au continent européen, les beautés et les défauts du théâtre anglois. Si une polémique s’engage à Paris, à l’occasion du débat célèbre de la prééminence des anciens sur les modernes, il prendra feu dans la querelle, élèvera la polémique, et s’élancera en avant, dans la discussion d’une question si mal posée et si sottement controversée.

Il n’y a qu’une chose venant de France que Saint-Évremond semble oublier : c’est lui-même. Il ne lui échappe ni aigreur, ni plainte, ni importunité, ni désaveu de son prétendu crime. Son seul chagrin semble avoir été que sa disgrâce fût contraire au bon sens. « Un jour, dit-il, on me louera d’être bon François, par ce même écrit qui m’attire des reproches ; et si M. le Cardinal vivoit encore, j’aurois le plaisir de me savoir justifié dans sa conscience, car je n’ai rien dit de lui qu’il ne se soit dit intérieurement cent fois lui-même. Jaloux de l’honneur du Roi et de la gloire de son règne, je voulus laisser une image de l’état où nous étions avant la paix, afin que toutes les nations connussent la supériorité de la nôtre, et, rejetant le mauvais succès de la négociation sur un étranger, ne s’attachassent qu’à considérer les avantages que nous avions eus dans la guerre. »