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qui s’accomplit dans son pays. Il est facile de voir, en le lisant, qu’il a gardé la couleur et le cachet d’une autre époque. La colère royale, en l’éloignant de la France, l’a exclu de tout un règne glorieux. Son esprit est donc resté celui de la régence d’Anne d’Autriche : la postérité ne s’en plaint pas aujourd’hui ; mais, l’épicuréisme n’étant plus à la mode, sous le gouvernement personnel de Louis XIV, Saint-Évremond est apparu, pour ainsi dire, comme un rêveur du temps passé, à la foule toujours si nombreuse qu’entraîne le mouvement du flot contemporain. On distingue bien, à travers une allusion de la Bruyère lui-même, que Saint-Évremond est, à ses yeux, un esprit singulier, et presque suranné. Quant au langage, il avoit pris, de son côté, un autre tour, une autre forme, une autre allure, pas toujours meilleure peut-être, mais saisissable à tout connoisseur ; Saint-Évremond a dû attendre d’une réaction tardive, qui date presque de la fin du siècle, de la paix de Riswyck, le retour de faveur, et de liberté de relations, dont il a joui de son vivant, en France.

Aussi, malgré la réputation de leur auteur, les ouvrages de Saint-Évremond n’ont point eu de véritable popularité françoise. Les éditions en ont été multipliées à l’étranger, noyées dans un mélange incroyable d’œuvres apocryphes ; et un petit nombre de lecteurs françois a été familier avec elles. On se les passoit, comme une rareté, comme une curiosité ; mais le vrai public y avoit peu de part. On lit, en tête de l’édition hollandaise de 1699, ces paroles que l’éditeur emprunte, en partie, aux préfaces précédentes de Barbin : « Voici une nouvelle impression