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de la fortune, qui s’appliquèrent, pendant longtemps, à effacer le souvenir de notre auteur de la publicité, ou du moins à l’amoindrir. Corneille et la Fontaine furent fidèles. Mais Racine s’est borné à une froide lettre de remercîment, au sujet de l’Alexandre ; et Boileau n’a pas épargné à Saint-Évremond une rudesse peu magnanime.

En 1668, Barbin put laisser deviner le nom de Saint-Évremond, en tête d’un volume, et dix ans plus tard, y mettre son nom tout entier ; mais on diroit que ce fut à la charge d’altérer certains textes, et d’en supposer d’autres. Uu abbé Pic a exercé l’industrie de ces manipulations. Jusque-là, ces ouvrages ne se vendoient qu’à la dérobée, toujours imprimes à l’étranger. La liberté des salons, et le retentissement de la renommée, en Angleterre et en Hollande, les deux seuls pays libres de l’Europe, sauvèrent Saint-Évremond d’un oubli complet, dans sa patrie. L’esprit est le plus difficile des révoltés à réduire ; aussi Louis XIV n’aimoit-il que l’esprit soumis. Or, l’esprit avoit pris parti pour l’exilé, contre le roi. La société polie fut la sauvegarde, la forteresse imprenable du banni. Autour du roi lui-même, des amis s’honorèrent par leur constance. Le comte de Grammont fut admirable, Créqui noble et ferme, la Rochefoucauld convenable, le comte d’Olonne parfait, et du meilleur goût. Quelques femmes, parmi les plus spirituelles et les plus belles : une entre autres, et la plus célèbre, donnèrent l’exemple d’un inviolable dévouement à Saint-Évremond. Mais tout cela n’étoit point la France ; et, au long aller de l’absence, Saint-Évremond s’est trouvé comme privé de participation active à l’évolution littéraire