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comme pouvant intéresser Fouquet, et dans laquelle étoit, en manuscrit original, la Lettre sur la paix des Pyrénées. Ni Colbert ni le Tellier n’étoient amis de Saint-Évremond : la tournure de leur esprit ne pouvoit s’accorder avec le sien. Il étoit gentilhomme, ils étoient gens d’affaires ; il étoit bel esprit épicurien, ils étoient pédants ou dévots, et de plus les élèves et les héritiers politiques de Mazarin ; et ils affectoient pour sa mémoire un profond respect, qu’ils n’avoient pas toujours montré pour sa personne en son vivant. Ils mirent sous les yeux du roi cette lettre maldisante10, qui lui fut lue et commentée, de telle sorte que la chose parut un crime d’État. Le roi dut facilement, en effet, se laisser aller à la colère en voyant un écrit où il se pouvoit croire outragé, puisque son mariage y étoit présenté comme une trahison des intérêts nationaux ; et qui, en outre, lui rappeloit les pamphlets de la Fronde contre sa mère et le Sicilien. Que Colbert y ait mis de la passion, on n’en sauroit douter, car il opposa, de tout temps, une résistance opiniâtre à l’amnistie de Saint-Évremond, sollicitée à plusieurs reprises par MM. de Lionne, par les Grammont et autres amis


10. Cette lettre a été imprimée pour la première fois en Hollande, à la suite de l’Histoire de la paix conclue sur les frontières de France et d’Espagne entre les deux couronnes, l’an 1659 (traduit de l’italien de Gualdo Galeazzo Priorato par H. Courtin), avec les traites, et un Recueil de diverses matières concernant le duc de Lorraine ; augmentée du plan de l’Isle de la Conférence. Cologne, P. de la Place (Holl. Elzevir), 1667, deux part. en 1 vol. petit in-12. Elle n’a pas été comprise, comme on le devine aisément, dans les Recueils publiés par Barbin ; mais elle est insérée dans l’édition hollandaise, de 1699, des Œuvres meslées de Saint-Évremond.