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tout le monde, et ravi de trouver une occasion d’étaler sa faconde, tousse trois fois avec méthode, commence un discours qui met en fuite l’assemblée, et se retire avec un profond mépris des autres et une intime satisfaction de lui-même.

Peu après, eut lieu le combat à l’épée de Saint-Évremond avec le marquis de Fores, ou de Fors, frère de Mlle de Vigean3, qui avoit commandé un corps de cavalerie à la bataille de Lens, et qui tenoit un rang dans la société parisienne. Nous n’avons aucun détail, sur l’origine et sur les circonstances de cette rencontre, restée secrète, à raison de la sévérité des ordonnances, laquelle, malgré le mystère observé, obligea Saint-Évremond à se retirer momentanément en lieu sûr, par mesure de prudence, et pour avoir le temps d’obtenir son pardon. Cette rigueur des lois n’étoit qu’un frein léger contre la fureur des duels, toujours persistante, parmi la noblesse. L’éducation elle-même y préparoit ; car, le principal exercice des Académies étoit celui de l’escrime. Saint-Évremond, sans être bretteur, comme M. de Lenclos, excelloit cependant à manier l’épée. Tout jeune encore, il avoit inventé cette passe d’armes, qu’on appeloit la Botte de Saint-Évremond. Aucune répression ne put arrêter la frénésie des duels, dont l’habitude s’identifioit, dans l’opinion, avec le point d’honneur. L’échafaud de Boutteville4


3. Saint-Évremond avoit vu mourir, à Arras, un autre frère de Mlle de Vigean, dont la sœur aînée avoit épousé le frère aîné de Miossens. Il a dû connoître particulièrement la jeune et sensible amie du grand Condé, à laquelle l’hôtel de Sully, rue Saint-Antoine, a donné l’hospitalité avant qu’elle prît le voile aux Carmélites.

4. L’hôtel de Montmorency-Boutteville se voyoit rue