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l’étrangeté de ses habitudes, si opposées à celles de la société françoise : et les jugements qu’en portaient les salons étaient fort divergents. Les entretiens, à ce sujet, étaient partout très-animés, et donnoient lieu, quelquefois, à des scènes singulières. De ce genre fut une dispute, née probablement chez le commandeurde Souvré, entre le comte de Bautru1, un précieux qui visoit à l’érudition, et le commandeur de Jars2, un bourru qui avoit le piquant esprit des Vivonne : l’évêque du Mans, ce scandaleux Lavardin que l’on connoît, tenta d’apaiser la querelle. Saint-Évremond, qui étoit présent, trouva l’affaire si plaisante, qu’il en fit une relation intitulée : de l’Éducation et de l’ignorance, et l’envoya au comte d’Olonne, alors éloigné de Paris. On la peut voir dans notre second volume. C’est un petit drame récité, charmant, et d’un goût achevé. Bautru y fait l’éloge de la science, en général, et de Christine, en particulier, comme un vrai précurseur du philosophe Citophile de Voltaire. Le commandeur, avec sa brusquerie spirituelle, prend le parti de l’ignorance, et en fait un éloge qui a été cent fois amplifie, sans qu’on y ait rien ajouté de nouveau. Survient le prélat conciliateur qui, voulant accorder


1. L’hôtel du comte de Bautru étoit rue Neuve-des-Petits-Champs, entre la rue Vivienne et la rue Richelieu. Il a été fondu dans les bâtiments de la Bibliothèque impériale. Bautru étoit un ami de Ruvigny, et sceptique comme Saint-Évremond. Il a son Historiette dans Tallemant, tome II de l’édit. citée.

2. Le commandeur de Jars, de la maison de Mortemart, habitoit, rue Richelieu, un hôtel, qui a été connu, jusqu’à ces derniers temps, sous le nom d’hôtel de Malte, et qui avoit été bâti par Mansart l’ancien.