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avec quelque sorte de dignité, un rôle fâcheux dont on s’est chargé mal à propos.

« On s’expose au mépris, quand on revient dans le grand monde, après un certain âge, sans y apporter qu’un mérite inconnu à la plupart, avec la réputation d’un esprit aigre et mordant, dont chacun se défie et que tout le monde appréhende ; sans parler qu’on ne manque guère d’avoir des manières usées, et hors de mode, qui rendent un homme désagréable, incommode, et souvent ridicule.

« On doit avouer que M. de Bussy avoit un esprit merveilleux. Les premiers ouvrages que nous avons de lui nous en donnent une idée très-avantageuse ; et il y aurait tout sujet d’en être content, s’ils lui avoient coûté un peu moins cher. Son élocution est pure, et ses expressions sont naturelles, nobles et concises. Ses portraits, surtout, ont une grâce négligée, libre et originale, qu’on ne sauroit imiter. Il étoit d’ailleurs médisant jusqu’à l’excès. Ses meilleurs amis, et les personnes de la cour les plus irréprochables, ne furent pas exempts des traits perçants de sa médisance. Il a donné le démenti à toute l’Europe, pour ternir la bravoure d’un homme qui a toujours passé pour téméraire15 ; et il a dit du mal de certaines femmes, dont il n’a pas pu même inventer les désordres.

« On ne sauroit mieux traduire qu’il n’a fait quelques endroits de Pétrone16 ; on demeura pourtant


15. Le maréchal de Créqui.

16. Dans l’Histoire amoureuse des Gaules.