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dans ses autres livres, qui eux-mêmes ont été les modèles de Mme de Fontaines, de Mlle de la Force et de Mme de Tencin. Il est à remarquer que Mme de la Fayette n’a donné qu’un Portrait à la collection de 1659 : celui de Mme de Sévigné.

La connoissance de ces petites compositions, ou confessions, si diverses, si élégantes, si sincères, n’en est pas moins d’un intérêt véritable. On l’a trop négligée, peut-être. Les femmes en ont fait les frais principaux. Le droit du cœur d’aimer et de haïr, la légitimité de l’indépendance individuelle, voilà les opinions proclamées par tous ces auteurs de bonne société ! Voilà ce qu’adora, du reste, de tout temps, l’esprit francois ! Toutefois, le Portrait, même quand il est l’ouvrage d’un ami, tourne avec trop de facilité au raffinement. C’est ce qui arrive à Saint-Évremond dans le Portrait de Mme Mazarin, où il finit par tomber dans la subtilité italienne. Jamais rien de pareil n’advient à la Bruyère.

La Bruyère se rattache directement à Théophraste, plutôt qu’à la Portraiture du dix-septième siècle. Cureau de la Chambre avoit disserté (1640–62) des Caractères des passions, à un point de vue d’histoire naturelle ; la Bruyère a observé les Caractères, au point de vue de l’histoire humaine. Il a intitulé son livre : les Caractères et les moeurs de ce siècle. Par une élégante traduction des Caractères de Théophraste, il a, d’abord, initié ses lecteurs à la connoissance de la société grecque ; et dans une seconde partie de son livre, il oppose à ce premier tableau, le tableau plus coloré, plus saisissant, plus varié, de la société françoise : nous montrant l’homme de son temps, sous toutes les formes, et sous toutes les