Mlle de Scudéry avoit l’intention de peindre sous des noms grecs et romains. Le Portrait y entroit donc comme un élément nécessaire. D’autres romanciers avoient précédé Mlle de Scudéry dans cette voie8, sans faire autant de bruit ; d’autres l’y suivirent avec moins de succès. L’honneur d’avoir son Portrait dans un roman fut un des plus ambitionnés de la haute société contemporaine.
La vogue primitive du Portrait ou Caractère est donc l’ouvrage, à coup sûr, de Mlle de Scudéry ; mais son point de vue n’a pas été celui du Luxembourg. Si l’on en croit même Segrais, la manière spontanée dont le goût en est venu, chez Mademoiselle9, écarteroit l’influence de Mlle de Scudéry. Du salon de Mademoiselle cette fantaisie littéraire a rayonné dans Paris ; elle y a fait fureur, et partout, même dans les couvents, pendant plu-
8. Voyez seulement Les heureuses infortunes de Celiante et Maritinde vefves pucelles, par le sieur d. f. (Des Fontaines), Paris, 1636, in-8º. C’est l’histoire de plusieurs personnes illustres de ce temps, sous des noms supposés. Les deux Vefves pucelles sont Mme de Charny et Mme de Marigny. Louis XIII est désigné sous le nom de Cambises ; M. le Prince, sous celui de Protosilas. Une 2e édition, de 1662, contient la clef des noms.
9. « Mademoiselle étant à Champigny, en 1657, Mme la princesse de Tarente et Mlle de la Trémouille la vinrent visiter. Elles lui parlèrent de certains portraits qu’elles avoient vus en Hollande, et sur lesquels elles avoient fait les leurs. Mademoiselle eut la curiosité de les voir…, ce qui lui donna aussi envie de faire le sien… Plusieurs ayant suivi son exemple, elle eut la fantaisie d’en faire un Recueil… On a jugé à propos de mettre les noms de ceux qui les ont écrits,… pour instruire ceux qui, dans cent ans, trouveront ce livre, dans les armoires de Saint-Fargeau. » (Préface de Segrais, en tête de la 2e édition des Divers portraits, de 1659.)