Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion. » Mademoiselle aimoit la règle et la décence, tout en permettant à son esprit, comme à celui des autres, un libre essor. À son exemple, son entourage avoit l’allure franche et presque militaire. Ces jeunes demoiselles, qui avoient été si bien élevées, à commencer par les Loupines, ainsi que les appelle Loret, savoient tout, disoient tout, et ne se cachoient de rien3.

La dévotion elle-même n’excluoit pas ces airs libres qui, dans le grand monde et dans l’usage, étoient permis, tant qu’ils ne se changeoient pas en acte. On pouvoit tout dire poliment, à condition de ne rien faire incongrûment ; et voilà ce qui trompe mainte fois ceux qui ne connoissent pas ce monde dont ils parlent. La dévotion étoit en outre et souvent un état extérieur plutôt qu’intérieur4. C’étoit une distinction, une sorte de grande manière. « Mme de Thianges, dit Mme de Sévigné, ne met plus de rouge et cache sa gorge. Elle est tout à fait dans le bel air de la dévotion. » Aussi est-on étonné de la liberté de langage qui règne dans ces Portraits, où chacune des belles dames de la société décrit les agréments de sa personne, depuis les pieds jusqu’à


3. Mlle de Melson, qui épousa plus tard le conseiller d’État le Camus, jeune fille spirituelle et honnête, l’une de celles qui ont fait elles-mêmes leur Portrait, entendant Boisrobert, dont on connoît la mauvaise réputation, raconter qu’un de ses laquais s’étoit pendu, répondit que : « les laquais de Boisrobert ne devoient finir que par le feu ; » allusion assez vive à des vices que la lecture de la Bible, toute seule, n’avoit pas fait connoître à cette péronnelle.

4. Mme de Maintenon écrivoit, quand elle fut admise à la cour : « On n’a ici aucune attention à la vie, et on compte pour tout de recevoir les sacrements à la mort. »