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qu’on le raconte, auroit certes fait grand bruit, et nous seroit arrivé par quelqu’un des cent témoins de la vie quotidienne de Mlle de Lenclos31. Je croirois davantage au mot du bon Jésuite son voisin, c’étoit le P. d’Orléans, qui, dans ses dernières années, étant venu faire auprès d’elle une tentative charitable et inutile, lui auroit dit: Eh bien ! offrez au moins à Dieu votre incrédulité, mot que J. B. Rousseau a tourné en épigramme. Port-Royal essaya aussi sa conversion. « Vous savez, disoit-elle à Fontenelle, le parti que j’aurois pu tirer de mon corps ; je pourrois encore mieux vendre mon âme : les jansénistes et les molinistes se la disputent. »

Après la paix de Riswyck, la fille du célèbre comte de Rochester, ami de Saint-Évremond, la comtesse de Sandwich, fit un voyage en France pour sa santé. Curieuse de connoître une célébrité parisienne dont le renom avoit passé les mers, elle demanda au philosophe, alors exilé, qu’elle voyoit beaucoup, en Angleterre, de lui donner des lettres pour sa vieille amie, qu’elle vint, en effet, chercher à la rue des Tournelles. Mlle de Lenclos avoit alors quatre-vingts ans ; la comtesse de Sandwich qui n’en avoit pas trente, fut si ravie de l’esprit et de la bonté de l’illustre Françoise, qu’elle n’en pouvoit contenir son admiration. À son tour, la jeune et belle Angloise obtint, dans le salon des Tournelles, si difficile et si délicat, un succès d’esprit, qui présageoit


31. L’autre fils dont on a parlé reçut le nom de chevalier de la Boissière. Le maréchal d’Estrées, qu’on suppose être son père, le mit dans la marine, et eut soin de son avancement. Il est mort, à Toulon, en 1732, avec le grade de capitaine de vaisseau. Douxménil, page 60.