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A formé l’âme de Ninon
De la volupté d’Épicure

Et de la vertu de Caton.

La faveur dont elle fut l’objet se porta jusqu’à ses modes. Les coiffures à la Ninon eurent une vogue universelle. Le duc de Saint-Aignan donnoit des rimes sur lesquelles on fesoit composer au duc du Maine un sonnet à la louange de Ninon.

Parmi ses connoissances on rencontroit encore Mlle Chouars, fille de condition, que la fréquentation des gens de lettres avoit entraînée sur la même voie qu’elle. Chapelle fit la conquête du cœur et de l’esprit de Mlle Chouars. Il alloit souvent dîner chez elle, où l’on trouvoit bonne table, et agréable compagnie. Il auroit voulu l’épouser, mais l’humeur philosophique de la belle ne s’y étoit point prêtée. Une fois qu’ils avoient prolongé leur repas, en tête à tête, la femme de chambre survint, qui fut fort étonnée de trouver sa maîtresse tout en pleurs, et Chapelle accablé par l’affliction. Aux questions empressées de la soubrette, Chapelle répondit, en sanglotant, qu’ils pleuroient la mort d’un grand poëte, infortunée victime de l’ignorance des médecins. Là-dessus, ample éloge du mort, de ses qualités, de son génie, et abondance nouvelle de larmes, auxquelles la bonne servante joignit les siennes, du meilleur cœur. Le pauvre mort étoit Pindare, le prince des lyriques grecs, qui vivoit environ cinq cents ans avant Jésus-Christ.

Mais une des plus curieuses figures qu’on remarque autour d’Anne de Lenclos, est celle de Françoise d’Aubigné, que tout Paris connut sous le nom de Mme Scarron, que toute l’Europe salua sous celui