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ron : car ce petit chef-d’œuvre de l’esprit François, est une incomparable profession de foi du scepticisme. La société de Ninon de Lenclos le vit éclore et l’applaudit ; mais l’auteur n’en fut pas, pour tout le monde, avoué. Si nous en croyons Des Maizeaux, et il n’y a aucun motif de lui refuser créance, ce pamphlet charmant, ébauché en 1654, fut perfectionné en 1656. Il circula trente ans, par la voie des copies ; nul imprimeur françois n’osa le publier. Barbin se garda bien de le reproduire dans ses volumes ; il y eut perdu son brevet et ses presses. La Hollande se chargea de l’imprimer ; mais le recueil où on le trouve, portant la date de 1686, sans nom d’auteur, est d’une excessive rareté. Bayle est témoin15 que tout le monde a nommé Saint- Évremond ; et, en 1698, l’ouvrage fut réimprimé, avec le nom de ce dernier. Lorsqu’il reunit, plus tard, pour Des Maizeaux, la collection de ses œuvres authentiques, Saint-Évremond y comprit la Conversation du maréchal d’Hocquincourt, dont personne ne lui contestoit la paternité : elle n’avoit jamais été mise en question par les contemporains.

Voltaire, le premier, a élevé des doutes à cet égard, cinquante ans après la mort de Saint-Évremond. Il insinua, sans en donner la moindre preuve, que Charleval, un autre ami intime de Ninon de Lenclos, pouvoit être l’auteur de ce chef-d’œuvre. Cette conjecture n’obtint aucun crédit. La Harpe l’a réchauffée ; mais Bayle, des Maizeaux et l’opinion du dix-septième siècle, y opposent leur témoignage.


15. Voy. Bayle, Nouv. de la Rép. des lettres, décembre 1686. Charleval n’a pas réclamé, ni personne pour lui.