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Lorme ; Saint-Évremond a formé Ninon de Lenclos. La différence du maître a fait, peut-être, la différence de l’élève. Les principes de l’un ont fait la pratique de l’autre : de là le nom de moderne Leontium, et la vie intime de Ninon n’a été que la mise en œuvre des maximes de l’Épicure français :

Il faut brûler d’une flamme légère,
Vive, brillante et toujours passagère ;
Être inconstante aussi longtemps qu’on peut,
Car un temps vient où ne l’est pas qui veut.

Ailleurs Saint-Évremond dit à son amie :

Dans vos amours on vous trouvoit légère ;
En amitié, toujours sûre et sincère :
Pour vos amants les humeurs de Vénus,
Pour vos amis les solides vertus.

Et plus bas, au sujet du caractère de Ninon :

Tantôt c’étoit le naturel d’Hélène :
Ses appétits, comme tous ses appas ;
Tantôt c’étoit la probité romaine,
Et de l’honneur la règle et le compas.

La correspondance de Ninon de Lenclos et de Saint-Évremond est un des monuments les plus touchants et les plus intéressants du culte de l’amitié. Elle honore à jamais la mémoire de tous les deux ; il n’y a pas de trace d’un nuage, dans cette intimité de trois quarts de siècle. Il en reste, dit-on, encore quelques lettres inédites, que M. Feuillet promet de donner bientôt au public.

Au comte de Coligny, depuis duc de Châtillon, si tendrement aimé par Ninon, pendant je ne sais combien de semaines, et qui avoit commencé sa réputation, succédèrent le séducteur Miossens, aux