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L’amitié d’un amant est un mensonge, dit Mme de Lambert ; il n’a plus de sentiment à vous offrir. Le secret de Ninon, qui donna un démenti à la maxime, fut de ne recevoir chez elle que d’honnêtes gens ; de les choisir encore parmi les gens d’esprit, et de ne tromper jamais personne. Elle échappa ainsi à l’indélicatesse et au ressentiment, tout en appliquant librement sa volage philosophie.

Il y a peu d’intérêt aujourd’huy, il y a même de l’indiscrétion, à rechercher quels furent les amis de Ninon qu’elle favorisa d’une intimité sensible. Sans revenir sur la fable du cardinal de Richelieu qui n’a pour garant que le faux Chavagnac, on peut croire qu’elle fut présentée au grand ministre, et que ses protecteurs obtinrent de lui la pension de deux mille livres, dont parle Voltaire. Il faut mettre aussi au rang des fables, l’intrigue avec Cinq-Mars, qui a la même origine, et dont M. Walckenaer accepte trop facilement la vérité. Cinq-Mars a eu la tête coupée en 1642. À cette époque, la mère de Ninon vivoit encore, et celle-ci avoit peu fait parler d’elle. Cependant elle avoit connu Cinq-Mars chez Marion de Lorme, qui tenoit beaucoup à son amant préféré. Contentons-nous donc de passer une rapide revue de ce brillant cortége des adorateurs de Ninon. Dans une épître charmante qu’on lira dans notre second volume : Chère Philis, qu’êtes-vous devenue ? etc. Saint-Évremond nous a laissé une sorte de gracieux nécrologe des amours de son amie. Il étoit trop délicat pour y marquer sa place ; mais on peut assurer que Saint-Évremond a été l’une des affections premières de la moderne Leontium. Desbarreaux avoit formé Marion de