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pour assuré ; c’est la seule révélation de ce genre qu’il se soit permise.

Marion s’étoit posée en Laïs. Ce rôle fut accepté dans la grande société parisienne. Elle avoit un salon très-bien composé. Les hommes les plus marquants s’y rencontroient, et Marion à son tour étoit reçue dans de bonnes compagnies, même chez les princes. Nous savons qu’au mariage du duc d’Enghien (le grand Condé), avec Clémence de Maillé, Marion fut priée au ballet, avec grandes excuses « de quoi elle ne le fut point le jeudi d’auparavant6. » Marion mourut en 1650, dans tout l’éclat d’une beauté surprenante. Elle avoit de l’esprit, une gaieté folle, avec moins de tenue que Ninon. L’attrait du plaisir dominoit chez elle ; l’attrait de l’esprit chez Ninon. Elle côtoya la dépravation, dont celle-ci se tint fort éloignée. Sa mort prématurée fut, dit-on, la suite d’un avortement, qui n’étoit, selon Tallemant, pas le premier, mais pour lequel les contemporains de Mlle de Guerchi furent plus indulgents que nous-même7. Le plus profond mystère a couvert les détails de cette fin tragique, si peu croyable, qu’on a douté pendant longtemps de sa réalité. Un roman ridicule sur la longévité de Marion a eu crédit auprès de certaines gens. Marion a passé pour vivre encore, cent ans après sa mort. Cependant ses obsèques furent célébrées avec pompe. Elle resta même exposée, pendant


6. Voy. sur Marion de Lorme, Tallemant, édit. Je M. P. Paris, tom. IV, et les Récréations historiques (de Dreux du Radier), tom. I, page 68 et suiv.

7. Voy. les lettres de Gui Patin, sur l’infanticide pratiqué par la Constantin et Mlle de Guerchi ; et le fameux sonnet de l’Avorton…