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1705. Voltaire, en ce moment, n’avoit pas complété sa onzième année2 ; et lorsque, soixante six ans après, il a réuni ses souvenirs sur Ninon, il n’en avoit plus évidemment qu’une idée confuse. Au lieu du notariat de son père, qui avoit été l’occasion de ses relations avec la famille de Lenclos, Voltaire en attribue l’origine à l’abbé de Châteauneuf qui, dit-il, avoit en la fantaisie de le présenter à Ninon, « à laquelle il plut de le mettre sur son testament. » Il ajoute qu’à ce moment il avoit treize ans. Or, lorsqu’il eut, en effet, atteint treize ans, il y en avoit près de trois que Ninon n’étoit plus de ce monde.

Voltaire ajoute que le père de Ninon étoit un joueur de luth, nommé Lenclos, a qui son instrument ne fît pas une grande fortune, etc. La voilà une fille de rien, ou du moins une fille de peu. Or, il est prouvé que la famille de Ninon étoit d’une origine distinguée, avec les meilleures alliances : un célèbre évêque de Lavaur étoit son oncle ; et nous savons que ses père et mère laissèrent à leur fille unique une fortune suffisante pour la faire vivre à l’aise, dans Paris. Ce n’est pas tout, Voltaire la fait débuter dans la vie, comme une fille publique : « Je vous dirai d’abord, en historien exact, que le cardinal de Richelieu eut les premières faveurs de Ninon, qui probablement eut les dernières de ce grand ministre. Elle avoit alors seize à dix-sept ans. » Or Voltaire, tout comme les anciens biographes de Ninon, Bret et Douxménil3,


2. Voltaire étoit né en novembre 1694.

3. Bret et Douxménil ont recueilli, vers le milieu du siècle dernier, les traditions qui leur ont paru les plus