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nier asile ; car madame du Deffand a été tout autre chose. Ninon de Lenclos est donc, à tort, qualifiée par des gens qui ne la connoissent pas, de courtisane, nom qui d’ailleurs n’avoit pas de son temps la signification d’aujourd’hui. Marion de Lorme et Ninon de Lenclos, que je ne veux pourtant pas assimiler, étaient deux belles Grecques, transplantées du Céramique au Marais ; deux femmes charmantes, nourries de belles-lettres, pleines d’esprit, de savoir et de cœur ; qui, à leur entrée dans le monde, le trouvant divisé entre Épicure et d’Urfé, se laissèrent aller à leur penchant pour Épicure. Elles menèrent un genre de vie tout antique, au fond, celui de l’hétære athénienne, françois seulement à la surface : où le plaisir et la volupté trouvoient leur compte sans doute, mais ou l’esprit avait certainement plus de part que le libertinage ; et ce qui le prouve, c’est que la meilleure compagnie du dix-septième siècle ne s’est pas crue déshonorée par ses relations avec Marion de Lorme, et surtout avec Ninon de Lenclos qui lui est bien supérieure. Le scandale de leur vie a été plutôt posthume, que contemporain. La curiosité, négligente pour d’autres plus compromises qu’elles, s’est attachée de préférence à leur mémoire. La désespérante publicité des sottes médisances, des indiscrètes révélations, des représentations dramatiques même, a perdu devant la postérité ces femmes attrayantes, qui virent leurs contemporains à leurs genoux. Qui recevroit aujourd’huy Marion de Lorme ? Elle étoit invitée chez les Condé.

Il est une question délicate, celle de l’argent donné et reçu. Ninon de Lenclos en a peu pris,