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foiblesses. Elle eut de la sorte pour amis, tout ce qu’il y avoit de plus trayé et de plus élevé à la cour ; tellement qu’il devint à la mode d’être reçu chez elle, et qu’on avoit raison de le désirer, par les liaisons qui s’y formoient. Jamais ni jeux, ni ris élevés, ni disputes, ni propos de religion ou de gouvernement ; beaucoup d’esprit et fort orné, des nouvelles anciennes et modernes, des nouvelles de galanteries, et toutefois sans ouvrir la porte à la médisance ; tout y étoit délicat, léger, mesuré, et formoit des conversations qu’elle sut soutenir par son esprit, et par tout ce qu’elle savoit de faits de tout âge. La considération, chose étrange, qu’elle s’étoit acquise, le nombre et la distinction de ses amis et de ses connoissances, continuèrent quand les charmes cessèrent de lui attirer du monde, quand la bienséance et la mode lui défendirent de ne plus mêler le corps avec l’esprit. Elle savoit toutes les intrigues de l’ancienne et de la nouvelle cour, sérieuses et autres ; sa conversation étoit charmante ; désintéressée, fidèle, secrète, sûre au dernier point ; et, à la foiblessé près, on pouvoit dire qu’elle étoit vertueuse et pleine de probité. Elle a souvent secouru ses amis d’argent et de crédit, est entrée pour eux dans des choses importantes, a gardé très-fidèlement des dépôts d’argent et des secrets considérables qui lui étoient confiés. Tout cela lui acquit de la réputation et une considération tout à fait singulière1. »

Une personne aussi rare, attire, exige même, quelque attention. Saint-Évremond n’a-t-il aimé en elle qu’une courtisane spirituelle ? Telle seroit l’o-


1. Saint-Simon, sur 1705, éd. in-12, III, p. 207.