muniqués. Sans la confiance d’un ami, la félicité du ciel serait ennuyeuse.
« Pour conserver une chose si précieuse que l’amitié, ce n’est pas assez de se précautionner contre les vices, il faut être en garde même contre les vertus : il faut être en garde contre la justice. Les sévérités de la justice ne conviennent pas avec les tendresses de l’amitié. Qui se pique d’être juste, ou se sent déjà méchant ami, ou se prépare à l’être.... L’amitié n’appréhende pas seulement les rigueurs de la justice, elle craint les profondes réflexions d’une sagesse qui nous retient trop en nous, quand l’inclination veut nous mener vers un autre. L’amitié demande une chose qui l’anime, et ne s’accommode pas des circonspections qui l’arrêtent : elle doit toujours se rendre maîtresse des biens, et quelquefois de la vie de ceux qu’elle unit. »
Notre auteur étoit évidemment sous une impression différente, lorsqu’en 1681 il adressoit au comte de Saint-Albans, cet autre écrit Sur l’amitié, si piquant, si spirituel et si vrai, mais si sensé, si dégagé d’illusion, que la duchesse Mazarin lui avoit donné malicieusement le titre de l’Amitié sans amitié. Saint-Évremond y veut qu’on se contente, « d’une liaison douce et honnête. » Il se prononce contre les passions violentes en amitié, autant qu’en amour. « Elles font craindre le désordre du changement, ou elles sont nuisibles à autrui. » « Qu’a fait Oreste, dit-il, ce grand et illustre exemple d’amitié ? Il a tué sa mère et assassiné Pyrrhus.... Voilà où aboutissent les amours et les amitiés fondées sur le cœur. Pour ces liaisons justes et raison-