Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

janvier 1652 : son père étoit du grand conseil. Mais tout le monde a connu l’aventure de cette femme de chambre de Mme la dauphine, qui, de l’autorité de sa maîtresse, fut retirée du couvent où elle s’étoit réfugiée, par désespoir d’amour, comme se permettant de ces grands éclats, qui n’étoient point de sa condition. Dangeau, qui a noté l’impertinence de cette infortunée, ajoute d’un ton satisfait : la petite Moreau a servi ce soir madame la dauphine comme à l’ordinaire.

Il est une autre affection de l’âme, moins ardente et moins entraînante que l’amour, mais plus sûre et plus douce, dont l’antiquité avoit connu et célébré le charme, dont le dix-septième siècle a curieusement étudié la nature, et à laquelle il s’est abandonné avec un parfait bonheur : c’est le sentiment de l’amitié. Saint-Évremond, dont l’aimable insouciance sembloit n’attacher aux choses de la vie qu’un intérêt léger, a été le plus sérieux, le plus constant, le plus dévoué des amis ; et nous n’avons rien de plus délicat, dans notre langue, que les divers écrits échappés de sa plume, à ce sujet, sur lequel il est revenu plusieurs fois, comme sur l’objet favori de ses réflexions. Ici plus de scepticisme de sa part ; son cœur et son esprit s’engagent sans réserve, à l’exemple de ses maîtres, de Montaigne et d’Épicure : Montaigne avoit fait ses délices de l’affection d’un ami. « Nous nous cherchions, dit-il, et nos noms s’embrassoient avant que de nous connoître. Le jour où je le vis pour la première fois, nous nous trouvâmes tout d’un coup si liés, si unis, si