Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marqué, en attribuant ce bienfait à la liberté dont jouit la femme dans la société françoise. « Pour la régularité et la vraisemblance (dans les pièces de théâtre), dit Saint-Évremond, il ne faut pas s’étonner qu’elles se trouvent moins chez les Espagnols que chez les François. Comme toute la galanterie des Espagnols leur est venue des Maures, il y reste je ne sais quel goût d’Africain, étranger des autres nations, et trop extraordinaire pour pouvoir s’accomoder à la justesse des règles. Ajoutez qu’une vieille impression de chevalerie errante, commune à toute l’Espagne, tourne l’esprit des cavaliers aux aventures bizarres. Les filles, de leur côté, goûtent cet air-là dès leur enfance, dans les livres de chevalerie et dans les conversations fabuleuses des femmes qui sont auprès d’elles. Ainsi, les deux sexes remplissent leur esprit des mêmes idées ; et la plupart des hommes et des femmes qui aiment, prennent le scrupule de quelque amoureuse extravagance, pour une froideur indigne de leur passion. Quoique l’amour n’ait jamais des mesures bien réglées, en quelque pays que ce soit, j’ose dire qu’il n’y a rien de fort extravagant en France, ni dans la manière dont on le fait, ni dans les événements ordinaires qu’il y produit. » En effet, le monde, en France, étoit déjà fort avisé. La fonction d’une charge, le dessein d’un emploi, ou la poursuite d’un intérêt, dominoit toute autre idée, et si l’on parloit beaucoup d’amour, les deux sexes s’entendoient, en général, pour donner le pas à l’intérêt. Saint-Évremond observe que c’est à qui pourra mieux se servir, les femmes des galants, ou les galants d’elles, pour arriver à leur but.