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gent de sa morale, et son inclination pour la volupté mesurée, dans les rapports que l’affection naturelle des sexes introduit, dans la société. L’épicuréisme de l’époque avoit rejailli jusque sur l’idéal du beau. On adoroit les belles mains, mais on aimoit l’embonpoint. Anne d’Autriche, Mme de Longueville et Mme de Montbazon, durent quelques succès à ce double avantage. Dans le camp lui-même des épicuriens, des théories variées se produisoient sur la nature et le but de l’amour, de même qu’on distingua des nuances dans la préciosité spiritualiste. Pour Bernier, l’amour n’est qu’une fonction, et l’âme se révolte à la pensée que Buffon a partagé ce sentiment. Mais, dans la bouche de Bernier, la maxime a un caractère de simplicité qui dispose au pardon de l’erreur ; sauf le respect que je porte à Buffon, son opinion sur l’amour est voisine du cynisme. Saint-Évremond a souri de l’opinion de Bernier, et sans rejeter la satisfaction, il a préféré l’affection, en se rapprochant de l’idéalisme, autant qu’il étoit possible à un sectateur d’Épicure.

Partout, nous retrouvons l’influence secrète du paganisme. Plus d’un couvent renfermoit des muses déguisées en nonnes : témoin les charmants couplets de Marigny à d’aimables chanoinesses9. Les collégiales étoient peuplées de disciples d’Épicure, très-bien payés pour réciter mal un bréviaire. Qu’est-ce que Maucroix, le galant abbé ? Un enfant égaré d’Anacréon, aussi spirituel et plus honnête que ses successeurs, Voisenon et Bernis. Guy La-


9. Voy. M. Babou, Les Amoureux de Mme de Sévigné, p. 322 et suiv.