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Évremond s’honoroit d’être un délicat, et il les prône constamment. Épicure et Platon se rencontrent ici dans la même sympathie ; mais je ne pense pas que Saint-Évremond, qui aimoit et prisoît tant le languir, eût partagé l’opinion de Pascal, lorsque celui-ci soutient que : « Les âmes propres à l’amour demandent une vie d’action qui éclate en événements nouveaux. Comme le dedans est en mouvement, il faut aussi que le dehors le soit, et cette manière de vivre est un merveilleux acheminement à la passion. C’est de là que ceux de la cour sont mieux reçus dans l’amour que ceux de la ville, parce que les uns sont tout de feu, et que les autres mènent une vie dont l’uniformité n’a rien qui frappe. La vie de tempête surprend, frappe et pénètre. » Ceci est de l’espagnol.

Il y avoit comme une seconde nature, dans Saint-Évremond ; c’étoit celle de l’homme du monde. L’esprit du monde le gouverne à son insu et dicte son langage. « Une seule passion, dit-il, fait honneur aux dames, et je ne sais si ce n’est pas une chose plus avantageuse à leur réputation, que de n’avoir rien aimé. » Voilà bien l’esprit de la société au milieu de laquelle Saint-Évremond a vécu. Il en subit encore l’influence, quand il écrit au comte d’Olonnc exilé : « Si vous avez une maîtresse à Paris, oubliez-la, le plutôt qu’il vous sera possible, car elle ne manquera pas de changer ; et il est bon de prévenir les infidèles. » Puis l’indulgence et la connoissance du monde prennent le dessus, et il continue : « Une personne aimable à la cour, y veut être aimée ; et là où elle est aimée, elle aime à la fin. Celles qui conservent de la passion pour les gens qu’elles ne voient plus, en font naître bien peu en ceux qui les voient :