de l’âme et de Dieu ; et le sensualisme demeura comme étourdi du coup que lui porta le cogito. La méthode cartésienne remit en place et la morale, et la religion, et la philosophie. On sait le parti qu’en tira Bossuet. Renouant l’alliance rompue de la raison et de la foi, le cartésianisme domina dans la seconde moitié du dix-septième siècle, comme le scepticisme épicurien a dominé dans la première moitié. Montaigne devint même l’objet d’une désaffection véritable. Je n’ai vu que deux éditions parisiennes des Essais, de 1659 à 1714. J’en ai compté huit, de 1602 à 1652, époque de la rentrée de Mazarin à Paris. Le que sais-je étoit né de l’aversion de Montaigne pour ce qu’il appelle les affirmatifs de son temps. Le cartésianisme reprit la voie de l’affirmation qui avoit tant choqué les sceptiques. Rien, en effet, n’est plus absolu que le cartésianisme, dans ses conclusions. Il n’y a, dans ce qu’il induit et déduit, aucune place pour l’incertitude. Bossuet ne doute de rien. La conviction de Descartes est également inflexible. La propension des esprits revint donc au dogmatisme, après en avoir été si éloignée, pendant cinquante ans ; et la religion, sous la plume de Bossuet, y gagna un langage d’autant plus ferme qu’il s’appuyoit sur la raison philosophique. Mais à son tour, le dogmatisme abusa de sa victoire, et ce fut son écueil. Il conseilla, il applaudit la révocation de l’édit de Nantes, il prépara le règne de l’hypocrisie, sous Mme de Maintenon, et il provoqua la réaction violente du dix-huitième siècle.
Saint-Évremond se roidit contre cette direction nouvelle des idées, mais il prescrivit la prudence et