donc attaquée, l’espérance d’une autre vie, puisqu’une si grande dame et d’un si haut esprit en prenoit la défense ! C’est contre un ami particulier de Saint-Évremond, contre Bourdelot, qu’elle étoit dirigée. « Que vous a-t-elle fait, cette espérance chrétienne, pour la bannir ainsi de la société humaine et du commerce des honnêtes gens ? »
Il y avoit toutefois, dans l’épicuréisme de Saint-Evremond, une teinte de spiritualisme, ou de déisme chrétien, dont Bernier, Scarron, Chapelle, Sarrazin, et surtout Desbarreaux, s’étoient complètement affranchis. Saint-Évremond admire et professe la morale affectueuse du christianisme, qu’il habille, il est vrai, selon son goût, mais avec un sentiment sincère. « Quand les hommes, » dit-il, en prêtant le propos à son ami, le général hollandois Würtz, le célèbre Würtz du passage du Rhin, « quand les hommes auront retiré du christianisme ce qu’ils y ont mis, il n’y aura plus qu’une même religion pour tous les hommes, aussi simple dans sa doctrine que pure dans sa morale. » Il y avoit plusieurs bandes d’esprits forts. La plus déterminée étoit, à coup sûr, celle des grands seigneurs, dont il est parlé dans la conversation du maréchal d’Hocquincourt ; celle des parlementaires étoit plus réservée et plus politique ; celle des philosophes, plus spéculative et plus tendre ; celle des gens de lettres comme Saint-Pavin, Saint-Amant, et autres, plus bruyante et plus fanfaronne ; enfin celle des hommes pratiques, traduisoit l’épicuréisme en un sensualisme plus ou moins délicat, et de toutes nuances. Nous avons vu la variété du sensualisme gourmand, dans un chapitre qui précède. Bernier se faisoit des jouis-