La question de l’immortalité de l’âme préoccupoit cependant les esprits. Mais jusqu’au moment où furent publiées les Méditations de Descartes (1641), la confiance de l’immortalité avoit été reléguée dans le domaine de la religion, par les sceptiques et les épicuriens, qui sembloient se tenir pour assurés d’avoir facilement raison de la démonstration religieuse, quand la thèse philosophique en seroit dégagée. Aussi unirent-ils leurs efforts contre Descartes, lorsque le cogito vint les troubler. Le dogme de l’autre vie étoit donc effacé des croyances d’une partie de la société polie. Saint-Évremond parle quelquefois de la mort, et toujours, il faut le dire, avec une sérénité non affectée, mais toujours aussi avec peu d’espoir de la survie de l’âme. Un désolant Rien, voilà le refrain constant de ses réflexions : je citerai seulement ses vers sur la mort de son ami le maréchal de Créqui. Spinosa disoit que : « la chose du monde à laquelle un homme libre doit penser le moins, c’est la mort. La sagesse n’est point une méditation de la mort, mais de la vie. » Saint-Évremond développe ce thème avec un esprit gracieux, quoique triste, en plusieurs endroits. Il avoit vu Spinosa en Hollande et beaucoup causé avec lui. Dans une pièce de poésie, un peu légère à la vérité, c’est par pure galanterie qu’il s’éloigne du spinosisme. On voit, en lisant la correspondance de Bussy-Rabutin, combien cette doctrine du désespoir agitoit la société françoise, au milieu du dix-septième siècle, et dans Bossuet, combien elle lui sembloit menaçante pour l’avenir. Qui ne connoît cette charmante défense de l’espérance écrite par la palatine Anne de Gonzague ? Elle étoit
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