Page:Œuvres mêlées 1865 Tome I.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers, se donnoit la même tâche. Une société nombreuse de beaux esprits, dans la robe et dans l’épée, partagea cet engouement pour Épicure et Gassendi, devenus les auxiliaires du scepticisme. Toute la clientèle littéraire de Fouquet fut de ce bord, et la moitié des salons du Marais. Enfin, Saint-Évremond nous apprend lui-même comment il a été confirmé par Gassendi, dans le doute systématique. « Je savois, dit-il, par le consentement universel des nations que Platon, Aristote, Zenon, Épicure avoient été les lumières de leur siècle ; cependant on ne voyoit rien de si contraire que leurs opinions. Trois mille ans après, je les trouvois également disputées ; des partisans de tous les côtés, de certitude et de sûreté nulle part. Au milieu de ces méditations, qui me désabusoient insensiblement, j’eus la curiosité de voir Gassendi (1639), le plus éclairé des philosophes, et le moins présomptueux. Après de longs entretiens, où il me fit voir tout ce que peut inspirer la raison, il se plaignit que la nature eût donné tant d’étendue à la curiosité, et des bornes si étroites à la connoissance ; qu’il ne le disoit point pour mortifier la présomption des autres, ou par une fausse humilité de soi-même, qui sent tout à fait l’hypocrisie ; que peut-être il n’ignoroit pas ce que l’on pouvoit penser sur beaucoup de choses ; mais de bien connoître les moindres, qu’il n’osoit s’en assurer. Alors, une science qui m’étoit déjà suspecte, me parut trop vaine pour m’y assujettir plus longtemps : je rompis tout commerce avec elle, etc., etc. »

Un autre personnage, aujourd’hui oublié, joua un rôle actif dans la propagation de la doctrine