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une loi de bienséance, au dix-septième siècle, se fit de la dérision une belle manière au dix-huitième siècle ; on voit dans le Discours des agréments du chevalier de Méré que, de son temps, le bon air étoit celui du respect. Ce que Saint-Évremond reproche à l’impiété, c’est son inconvenance. Elle lui fait horreur, non pas seulement comme le désavœu d’un mouvement de la nature, mais encore, et de plus, comme une action d’homme mal élevé. C’est qu’en effet les bienséances sont une loi de la société polie. Leur observation s’impose au libre penseur, comme une condition du respect de sa liberté, par les autres. L’équilibre entre le respect d’une part, et la liberté de l’autre, est la marque d’une société bien réglée. Jamais le scepticisme de Saint-Évremond ne manqua au commandement des bienséances. Telle fut aussi la pratique constante de la bonne compagnie de son siècle. Les nièces très-dissipées de Mazarin nous apprennent que le cardinal leur en faisoit un sermon perpétuel, trop rarement observé de leur part, quand il fut mort.

Le scepticisme de Saint-Évremond peut se justifier par un but moral très-élève. Il veut montrer aux dogmatistes de tous les partis, que nul d’entre eux n’est à l’abri de la critique et des objections ; que tous, par conséquent, doivent mettre la paix et la charité au-dessus des systèmes, des opinions et des disputes. Voilà le dernier mot de sa philosophie. « À bien considérer la religion chrétienne, écrit-il, on diroit que Dieu a voulu la dérober aux lumières de notre esprit, pour la tourner sur les mouvements de notre cœur. » Quelque autre part, il dit : « Retournant à cette antiquité qui m’est si chère, je n’ai