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jet secret et véritable de la lutte, demeura aux jésuites ; mais l’opinion la plus autorisée se rangea du côté de Port-Royal. Le scepticisme devoit, à ce spectacle, gagner des partisans. C’est ce qui ne manqua point d’arriver, car, des deux côtés, les fautes amenèrent le discrédit. Richelieu se méfioit de l’ambition des jansénistes, et craignoît de mettre l’État entre leurs mains. Il ne vouloit pas davantage des jésuites, qui auroient livré la France à la papauté. Il fit donc attaquer les jansénistes par les sceptiques, tels que La Mothe le Vayer ; et les jésuites par les gallicans, tels que les Dupuy : la religion servant visiblement d’arme à sa politique intérieure, comme elle en servoit évidemment à sa politique extérieure.

Le scepticisme a donc pénétré profondément alors, dans les intelligences françoises, et s’y est tellement enraciné, qu’il s’est reproduit ensuite dans toutes les formes de la pensée, et dans toutes les applications de l’esprit philosophique : doute sensualiste de Saint-Évremond, doute méthodique de Descartes, doute théologique de Pascal et de Huet, pyrrhonisme critique de Bayle ; nous retrouvons le Que sais-je de Montaigne, dans toutes les directions, bien que le but soit souvent opposé. Pour les uns, le scepticisme est illimité ; il est tout à la fois le résultat et le terme de la connoissance humaine ; et comme l’esprit humain, une fois lancé sur la pente des folies, ne s’arrête ordinairement qu’au fond du précipice, le scepticisme est allé, plus tard, jusqu’à douter du témoignage des sens, ou de la perception extérieure. L’audacieux et subtil Berkeley a dépassé, à cet égard, le pyrrhonisme grec, dans