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qu’au milieu de cette scène arriva le prince de Condé éperdu : « Il étoit, dit Mademoiselle, dans ses Mémoires, dans un état pitoyable. Il avoit deux doigts de poussière sur le visage, ses cheveux tout mêlés, son collet et sa chemise tout pleins de sang, quoiqu’il n’eût pas été blessé ; sa cuirasse étoit pleine de coups et il tenoit son épée à la main, ayant perdu le fourreau. Il me dit : Vous voyez un homme au désespoir ; j’ai perdu tous mes amis, etc. » Elle le rassura et sur le sort de ses amis blessés, et sur la certitude de la retraite, et elle le renvoya au feu, ou il arriva ce qu’on sait. Condé n’auroit eu qu’à rendre son épée, si elle n’avoit fait tirer le canon de la Bastille sur les troupes du roi, qui furent contraintes d’abandonner la poursuite de l’armée battue de la Fronde.

Et plus tard, quand cette princesse qui avoit rêvé des couronnes et qui étoit si digne de les porter, ne souhaitoit plus qu’un peu de bonheur domestique pour ses vieux jours ; quand elle voulut épouser Lauzun qu’elle aimoit ; quand elle eut obtenu l’assentiment de Louis XIV, encore sensible alors à des sentiments vrais, elle trouva l’orgueil de Condé à la traverse. Condé, alors au faîte de la puissance auprès du jeune roi qui avoit tout oublié ; Condé obtint du roi la rétractation de son consentement, fit arrêter Lauzun, et ce fut en vain que la malheureuse vint se jeter aux pieds de Louis XIV. Écoutons-la : son récit vaut bien celui de Mme de Sevigné. « Sire, il vaudrait mieux me tuer que de me mettre en l’état où vous me mettez. Quand j’ai dit la chose à Votre Majesté, si elle me l’eût défendue, jamais je n’y aurois songé ; mais