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Saint-Évremond avoit, avec Mme de Sablé, une autre communauté de goût d’un genre plus élevé. La noble dame étoit aussi sensée que spirituelle et délicate ; et, dès les premières fermentations de la Fronde, elle avoit jugé, avec droiture, cette folie de la société parisienne, où la plupart de ses amis se laissèrent entraîner : elle sut être fidèle à la raison, sans se brouiller avec eux. Mme de Sablé resta donc attachée à la cause de la reine et du cardinal, mais avec cette indépendance d’esprit qui ne satisfait point les partis, lorsqu’on n’entre pas dans la complicité de toutes leurs passions. Son salon royaliste, quoique indépendant, fut souvent, pour Mazarin, un objet d’inquiétude, qu’a démêlé M. Cousin avec son incomparable sagacité. Saint-Évremond suivit exactement la ligne politique de Mme de Sablé. Il se prononça contre les mécontents dès 1647 ; mais la tournure libre de son esprit gênoit autant le parti qu’il soutenoit que celui qu’il combattoit ; aussi, malgré les services qu’il en tira, Mazarin finit, à certain jour, par mettre à la Bastille cet ami fort incommode.

Il faut être initié dans l’histoire intime des divisions de la société parisienne, en 1647, et avoir approfondi les causes qui ont préparé l’explosion de la Fronde, pour comprendre, et pour apprécier le petit ouvrage de Saint-Évremond, intitulé : Observation sur la maxime, qu’il faut mépriser la fortune, et ne se point soucier de la cour. Cette maxime, attribuée à La Rochefoucauld, circuloit dans les salons de Paris. On y affichoit une aversion profonde et patriotique pour le ministeriat, comme disoit le cardinal de Retz : le ministeriat, dans lequel on s’ob-