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garder. Je voyois tous les jours disparaître des sommes immenses, des meubles hors de prix, des charges, des gouvernements, et tous les autres débris de la fortune de mon oncle, le fruit de ses travaux et la récompense de ses services : j’en vis vendre pour plus de trois millions avant que d’éclater ; il ne me restoit presque plus pour tout bien assuré que mes pierreries, lorsque M. Mazarin s’avisa de me les ôter. Il prit son temps, un soir que je me retirai fort tard de la ville, pour s’en saisir. Ayant voulu en savoir la raison avant que de me coucher, il me dit qu’il craignoit que je n’en donnasse, libérale comme j’étois, et qu’il ne les avait prises que pour les augmenter. Je lui répondis qu’il seroit à souhaiter que sa libéralité fût aussi bien réglée que la mienne ; que je me contentois de ce que j’en avois, et que je ne me coucherois point, qu’il ne me les eût rendues ; et voyant que, quoi que je disse, il ne me répondoit que par de mauvaises plaisanteries, dites avec un rire malicieux, et d’un air tranquille en apparence, et très-aigre en effet, je sortis de la chambre de désespoir, et m’en allai au quartier de mon frère toute éplorée, et ne sachant que devenir. Mme de Bouillon, que nous envoyâmes d’abord querir, ayant appris le nouveau sujet de plainte que j’avois, me dit que je le méritois bien, puisque j’avois souffert tous les autres sans rien dire. Je voulois m’en aller avec elle sur l’heure même, si Mme Bellinzani, que nous envoyâmes aussi prendre, ne m’en eût empêchée, en me priant d’attendre qu’elle eût parlé à M. Mazarin. Il avoit donné ordre qu’on ne laissât entrer personne ; mais Mme Bellinzani s’étant obstinée à