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Angélique.

Qu’entends-je ?J’ai tout dit, pour vous justifier.

Sainville.

De quoi donc ?

Angélique.

De quoi donc ?Elle a tort ; il lui plaisoit de croire
Que vos feux offensoient votre honneur & ma gloire,
Que l’hymen ne pouvant jamais les couronner,
Au plus fatal espoir j’osois m’abandonner.
À présent, je ne sçais quel scrupule l’arrête ;
Tenez, demandez-lui ce qu’elle a dans la tête.

La Gouvernante.

Tout ce qu’on peut penser d’un hymen clandestin.

Sainville.

Pouvions-nous autrement fixer notre destin
Que par un nœud secret ? Il étoit nécessaire ;
Mais enfin, je le sçais, vous m’êtes trop contraire
Pour ne pas abuser du malheureux secret
Dont elle vous a fait l’aveu trop indiscret.
Vous fûtes, vous serez toujours mon ennemie ;
Et cependant jamais je ne vous ai haïe.
Je vous détesterois, si j’étais criminel :
Connoissez un amour qui doit être éternel ;
Sachez qu’il n’en est pas moins pur pour être extrême.
J’adore sa vertu, j’en fais mon bien suprême ;
Je n’ai rien qui me soit plus cher que son honneur :
Pourrois-je l’en priver, sans perdre mon bonheur,
Sans me déshonorer, sans m’avilir moi-même ?
Ce n’est qu’à ses dépens qu’on corrompt ce qu’on aime.